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L’art sacré du mandala

Par Vén. Gelek Drölkar

Devenue de plus en plus pressante, la quête du bonheur installe un fait marquant dans notre époque. Au carrefour où se croisent la rationalité dite scientifique et la pure réalité spirituelle, le choix est difficile et l’équilibre précaire. Dans tous les cas, les méthodes s’accumulent et les prédicateurs foisonnent, mais peu d’entre eux possèdent la capacité de fournir les remèdes nécessaires à la guérison des maux de la vie. Parce que la solution se trouve bien cachée dans l’inestimable trésor des archives du temps, elle ne peut être révélée qu’à la lumière d’une authentique tradition. Le mandala ouvre la voie de la pure énergie en soi.

L’univers du mandala

Tout ce qui existe, tout ce qui est produit émerge d’un point central, d’une cellule, d’un noyau, d’une source. De la même manière, pour pouvoir apprécier et utiliser toute chose, nous avons besoin d’accéder à la connaissance, la genèse de l’histoire quelle qu’elle soit. Les éléments acquis au moyen de l’étude et du raisonnement construisent les bases sur lesquelles repose l’engagement et lui donne sa stabilité. Mais la véritable connaissance est celle qui ouvre la conscience à son expérience. Seule l’expérience autorise les certitudes et permet les croyances. Emprisonnés dans nos concepts, nous nous contentons de réduire le champ d’énergie de nos vies à la dimension de ce que nous voyons, goûtons, sentons et éprouvons. Le monde dans lequel notre système de pensée évolue semble toujours trop étriqué et trop sombre pour pouvoir accueillir le bonheur auquel nous aspirons. La présence d’un mandala ouvre les portes secrètes de l’esprit qui retrouve en le contemplant le centre de réévaluation du sens de son expérience. Si toutes ces explications vous semblent un peu compliquées, c’est parce que l’énergie est au-delà des mots et des idées. Comme je vous le disais, elle est une expérience, celle que le mandala vous propose de faire. Le mandala est un espace sacré, un univers protégé, une terre pure où les éléments grossiers n’ont pas accès. Il peut être constitué de sable, peint à la main, gravé ou dessiné, il se construit parfois spontanément dans le vent et dans les nuages ou dans les remous des rivières et des océans. Un mandala est l’expression du joyau de la vie qui engage à être poli pour éclairer l’environnement, les êtres y compris, de toute la splendeur de sa véritable nature. Étudier, méditer ou tout simplement observer un mandala, offre à chacun la possibilité de comprendre sa relation à l’énergie du voyage intérieur dans la traversée de l’univers de sa vie. Voir un mandala pour qui n’en comprend pas immédiatement le sens en reçoit néanmoins une inspiration que l’on peut comparer à une bénédiction.

Le message du mandala

Le mandala “parle” au travers de son architecture, de ses couleurs et de ses habitants. Il ne faut cependant pas commettre l’erreur de croire en son existence de façon conceptuelle. Le mandala existe bien mais de manière ultime, absolue, insaisissable par les moyens ordinaires des sens. S’il est possible de le voir un moment sous une forme dessinée, dans la grâce de l’art sacré, il faut savoir et se souvenir que sa réalité est au-delà de sa représentation. Un grand maître tibétain contemporain, Lama Thubten Yeshé, très cher au cœur de milliers d’êtres, nous enseigne le message du mandala : “Tu ne peux pas chercher la réalité en dehors de toi-même, car tu es la réalité.” En contemplant le mandala, le regard se tourne vers son univers intérieur, à cet instant il n’est plus nécessaire de guider les pensées, mais de laisser l’esprit plonger dans son espace illimité. Le mandala s’adresse à notre être subtil et non à l’intellect. Il transmet ses messages directement à la psyché qui sait déchiffrer ses codes. Autrement dit, son action s’étend à notre inconscient qui, une fois alerté, ouvre les portes du temple de l’esprit.

Les origines du mandala

La figure circulaire initie les mouvements et les choses, elle se retrouve à l’origine de toutes les créations. Les rythmes cycliques de la nature tournent à l’instar des heures, des astres et des éléments. Tel le point à l’intérieur du cercle, l’être humain se situe au centre de son environnement. S’il ouvre ses bras en croix, il trace dans l’espace les quatre directions cardinales installant de ce fait les fondements structurels du mandala. Il s’agit de situer son point d’équilibre et de prendre des repères d’orientation. Mais si le cercle explique le monde et son contenu, bien plus encore il exprime l’expérience du sacré. Son tracé sur le sol invite les dieux à venir rejoindre les participants. Les danses rituelles ou les invocations évoluent à la périphérie, provoquant les énergies célestes pour les attirer dans l’espace intérieur qui matérialise leur demeure. On retrouve dans toutes les civilisations anciennes la trace du mandala. Chaque peuplade, tribu ou communauté, utilisaient le cercle pour décrire l’univers incréé du cosmos, doublé d’une croix à l’intérieur, illustrant le mythe de la création.

Le pouvoir sacré du mandala

Représentation microcosmique de l’énergie macrocosmique universelle, le mandala inspire, protège et favorise la guérison. Le simple fait d’être à son contact dispense une énergie bienfaisante. Pour ceux qui n’ont pas conscience de sa puissance et le considèrent comme une seule œuvre d’art, il n’en reste pas moins que sa contemplation dépose une empreinte de pouvoir dans leur être. C’est en suivant un chemin spirituel que l’on parvient un jour à lever le voile opaque de l’ignorance. L’esprit dégagé révèle alors ses possibilités. Celles-ci proviennent des empreintes gravées sur le courant de conscience de tous les êtres humains. Tôt ou tard, dans cette vie ou dans une prochaine, l’extraordinaire pouvoir des empreintes, qu’elles soient positives ou négatives, se manifestera sous forme de conditions ou d’événements dont il sera impossible pour l’esprit ordinaire d’en déterminer le sens. À l’intérieur du mandala, l’espace sacré n’a plus rien de commun avec le monde profane. Il est ici un lieu divin où l’énergie subtile se trouve rassemblée et concentrée dans la structure du mandala. Traditionnellement, l’œuvre sacrée doit être réalisée par des êtres dépourvus de souillures physiques et mentales, sans intérêt personnel et qui agissent ainsi pour le bien de tous. C’est pour ces raisons que la création des mandalas sacrés est réservée à des religieux, moines ou prêtres ou encore chefs de tribus considérés comme des sages. Il est bien trop dangereux de jouer avec des forces dont on ignore la puissance de l’impact.

Les mandalas tibétains

Extrêmement complexes par leur symbolique et une multitude d’ornements, les mandalas tibétains utilisent conjointement le cercle et le carré pour projeter le temple sacré. Le carré limite le lieu dans l’espace et pose ses fondations. Il érige les murs tout autour du centre comme des remparts de protection, intégrant quatre portes d’entrée gardées par différents champs de force à l’apparence d’êtres courroucés. Chaque mandala concentre l’énergie d’une représentation divine correspondant à son pouvoir : compassion, purification, pacification, guérison, connaissance ultime, etc. Ainsi les bouddhas et leur suite apparaissent-ils dans leur terre pure, offrant à chacun la possibilité d’être relié à leur énergie. Méditations et visualisations favorisent l’ouverture de l’esprit qui, tout en effectuant des circumambulations (tourner autour du mandala dans le sens des aiguilles d’une montre), soit en marchant, soit seulement avec le regard, va progressivement se libérer de ses chaînes avant de pouvoir pénétrer dans l’univers sacré.
“Il n’existe pas de lieu sacré ni de personne sacrée mais seulement des instants sacrés, des instants de sagesse.” Gautama Bouddha

Article paru dans Belle-Santé n° 90 (novembre 2006)

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